Une légende Bajo

24 Mai 2019 | Carnet d'aventures

Au cœur du Triangle de corail, dans l’archipel des Togean vit le peuple Bajo. Ce sont les derniers nomades de la mer, des pêcheurs itinérants qui vivent jusqu’à présent en symbiose avec l’océan. Selon de récentes études, leur organisme se serait génétiquement adapté à leur milieu. Certains ont l’incroyable capacité de rester en apnée de longues minutes et de se déplacer sous l’eau tels de vrais poissons. Des chercheurs ont observé que leur rate – organe capable de libérer des globules rouges et qui joue un rôle dans le réflexe de plongée – était 50 % plus grosse que celle des autres habitants de la région. Une caractéristique physique qui explique le secret de leur prouesse en apnée. Ils ont ainsi développé un mode de vie unique dont le seul horizon est l’océan. L’océan est une présence mystique, un proche à part entière, une maison où se réfugier, et la source précieuse de leur alimentation.

Mais leur mode de vie est en plein bouleversement. Les nouvelles générations de Bajo sauront-elles préserver le savoir-faire de leurs aînés et être les gardiens de leur écosystème si fragile ?

Pour s’immerger dans cette culture, la comprendre et mieux appréhender la fragilité de leur écosystème, nous sommes allés à leur rencontre en kayak de mer, une façon douce de se déplacer, une façon de tisser un premier contact en utilisant un moyen de déplacement qui se rapproche de leur barque.

Les Bajos ont une relation intime avec l’océan, où ils puisent leur subsistance. Ils maîtrisent à merveille l’art de nager, la plongée et la chasse sous-marine. Certains sont capables de rester plus de cinq minutes en apnée et de descendre jusqu’à soixante-dix mètres de profondeur. Une partie de pêche est une expérience inoubliable !

 

Nous avons eu la chance de rencontrer un Bajo qui est une légende au sein de sa communauté. Agé de plus de soixante-dix ans, nous avons peu observer aux premières loges sa façon très étonnante de se mouvoir sous l’eau, tel un être vivant qui serait une composante naturelle de cet écosystème marin avec lequel il entretient une parfaite symbiose.

Nous pensions que les Bajos avait un destin établi. Celui de naître, vivre et mourrir sur leur bateau, comme le laissaient entendre les écrits. Une réalité qui est en passe de changer … Autrefois, ils passaient en effet toute leur vie sur leur bateau-maison. Mais les Bajos se sont depuis sédentarisés, encouragés par les aides du gouvernement indonésien. Ils habitent des villages de bois sur pilotis, au-dessus de la mer, une façon de rester connectés à leur milieu. Les moyens de communication les relient désormais au monde moderne. Certains commencent à abandonner la vie en mer et se convertissent à l’agriculture.

La dégradation de l’écosystème marin menace leur survie et les pousse à aller sur la terre ferme. L’ironie du sort, c’est que les Bajos eux-même contribuent à appauvrir leur habitat : les techniques de pêche modernes, comme les filets à mailles fines, le cyanure ou la dynamite, améliorent les rendements, mais endommagent les récifs et appauvrissent les ressources. Ces méthodes peu « écolos » sont toutefois en recul grâce à la sensibilisation et parfois la pression des associations locales. Les Bajos naviguent toujours plus loin pour trouver des stocks de poissons. Leur mode de vie est devenu moins durable que lorsqu’ils se déplaçaient en permanence.

Aujourd’hui, les communautés Bajos qui vivent encore entièrement en mer sont très rares. Dans les Togian, les anciens regrettent que les aptitudes en apnée se perdent au fil du temps. Même si d’une certaine façon la qualité de vie des Bajos s’améliore. Le fait d’être mieux connecté au grand continent favorise le commerce. Les enfants apprennent l’anglais à l’école et de nouvelles perspectives s’ouvrent à eux. Certains refusent une vie nomade qui est parfois rude, solitaire et dangereuse. Cependant, le lien intime avec le vaste océan reste une dimension fondamentale de leur identité. De nombreuses familles se sont sédentarisées mais continuent à perpétuer leur art de vivre, celui de prendre la mer durant des semaines, voire des mois, sur une petite embarcation. Les enfants sont scolarisés, mais passent le temps à jouer dans l’eau et pêcher à la ligne dans le bleu profond du lagon …

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En images …

Crédit Photos – © Robin Christol

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